1) Contexte
Le covid-19 et les mesures sanitaires qui ont été prises nous ont contraint à assurer la continuité pédagogique dans l’urgence depuis le mois de mars. Tous les acteurs de la formation (étudiants, enseignants et administratifs) se sont mobilisés pour que les activités puissent continuer avec la meilleure qualité possible.
L’incertitude de la situation sanitaire des prochains mois nous conduit à préparer la prochaine année universitaire en envisageant différents scénarios. Dans le scénario le plus favorable, la pandémie se résorbe et tout revient à la normale, tandis que dans le scénario le plus défavorable, la pandémie se développe à nouveau contraignant à un confinement. Mais un autre scénario est possible qui consiste à intégrer les mesures sanitaires dans notre comportement quotidien. Il est de notre responsabilité de prévoir et de mettre en place les mesures adéquates. Si nous avons été tous pris de court en mars lors des mesures sanitaires strictes, les mesures à prendre sont maintenant connues.
La plus importante est la distanciation spatiale liée à la sécurité sanitaire. Cela conduira de fait à une occupation moindre de l’espace. Les amphis et les salles devront être occupés au tiers de leurs capacités. Donc, tout dépend du nombre d’étudiants inscrits à un enseignement et de la capacité de l’amphi ou de la salle. Evidemment, si un confinement est à nouveau décrété, même pour quelques jours, aucune occupation physique des salles ne sera plus possible.
D’autres éléments seront à prendre en compte tels que la désinfection des équipements ou la distanciation hors des espaces de formation mais cela sort du cadre de cet article.
2) Modalités de formation
Formation en présentiel
Cela ne peut être réalisé qu’en respectant la distanciation. Le cas le plus problématique est lorsque le nombre d’étudiants inscrits n’est pas compatible avec la capacité de la salle. Il faudra répartir les étudiants dans plusieurs groupes qui seront dans plusieurs salles avec plusieurs enseignants. Ce qui est impossible au vu des ressources disponibles.
Attention : la notion de groupe dans ce document est relative à la subdivision d’un groupe pédagogique due à la distanciation. Ainsi on peut être amené à subdiviser un groupe de Cours ou un groupe de TD ou un groupe de TP en plusieurs sous-groupes (appelés groupes dans le document).
La diminution de l’occupation spatiale nous conduit donc à envisager d’autres scénarios.
Formation comodale
Dans ce type d’organisation, toutes les séances sont en même temps en présentiel et en distanciel. Les étudiants sont répartis par exemple en 3 groupes imposés (dans la vraie formation comodale, l’étudiant a le choix de la modalité). Pour chaque séance, il y aura un groupe qui sera en présentiel et les deux autres groupes à distance. Ils suivent tous le même enseignement sachant que certains étudiants le suivent en ligne hors de l’université. Ce schéma est connu dans certaines formations lorsque la capacité d’un amphi n’est pas suffisante, il est nécessaire de retransmettre dans un autre amphi. Sauf que dans notre cas, l’étudiant distant n’est pas à l’université. Dans l’exemple ci-dessous ainsi que dans tout le document, n’illustre avec 6 séances mais cela n’est pas limitatif, c’est simplement un exemple pour illustrer le scénario.
Il est à noter qu’il est possible d’effectuer un enregistrement de l’enseignement diffusé pour le mettre à disposition des étudiants en asynchrone. Il suffira de publier cette nouvelle ressource (de type « lecture« ) sur une plateforme vidéo et d’intégrer le lien dans l’espace LMS dédié à cet enseignement.
Si cette modalité de formation est séduisante, elle est lourde au niveau organisationnel puisque cela suppose d’une part la mise en place de matériels de captation/diffusion (avec ce que cela implique au niveau technique coté réseau) et d’autre part l’animation concomittente par l’enseignant de deux modalités d’enseignement. Il sera difficile de respecter l’équité entre les étudiants présents et distants. Que se passe-t-il si une coupure ou une perturbation de la diffusion se produit ?
Comme nous avons à mettre en œuvre le distanciel, il est important de prendre en compte :
- L’environnement numérique de l’étudiant et de l’enseignant aussi bien au niveau du matériel et du logiciel qu’au niveau de l’accès de qualité au réseau
- L’accompagnement aux usages du numérique : utilisation de la plateforme LMS Moodle mais aussi des outils de production et de diffusion
Formation hybride
C’est une organisation d’activités pédagogiques en présentiel et en distanciel (en ligne). Ce n’est pas une juxtaposition mais un continuum de la formation de l’étudiant. Ce continuum et la qualité de l’organisation permettront une plus grande flexibilité mais il s’agit de maintenir le lien pédagogique avec l’étudiant.
La réflexion à mener doit apporter une réponse aux questions suivantes :
- Quelle est la part du présentiel absolument nécessaire et la part du distanciel possible ?
- Comment garantir le maintien du lien pédagogique et de l’acquisition des savoirs et des compétences en cas d’usage important du distanciel ?
- Pour tel type d’enseignement, de discipline et d’année, cette « heure de cours » en présentiel gagnerait-elle à être dispensée en distanciel (à supposer bien sûr que ce distanciel ne se limite pas à un simple dépôt du cours sur la plate-forme ?
Pour bien organiser une formation hybride, il s’agit de distinguer les activités entre les activités transmissives de type CM (pouvant se dérouler en ligne) et les activités interactives de type ED, TD, TP (pouvant se dérouler en classe physique). L’organisation de l’espace/temps doit être très structuré au sein d’une formation car il n’est pas concevable que l’étudiant ait deux créneaux qui se succèdent avec des modalités différentes (en ligne puis en classe).
Quoi qu’il en soit, selon les niveaux de diplômes, les scénarios sont variés mais il est important d’avoir une cohérence d’ensemble au sein d’une formation. Le distanciel peut prendre une part plus importante au niveau Master qu’au niveau L1, même si on peut considérer que les lycéens sont familiers des ENT et ont du suivre leurs enseignements en ligne. Il faut être très vigilant sur l’accompagnement des primo-entrants pour que leur intégration soit réussie.
Formation hybride et comodale
Dans ce type de formation, les CM sont disponibles uniquement en ligne en asynchrone tandis que les TDs sont selon le mode de formation comodale (synchrone). Les systèmes de classe virtuelle et les plateformes de travail collaboratif peuvent être utilisés. Il sera nécessaire dans ce cas que l’enseignant et les étudiants soient familiarisés avec ces environnements.
Dans ce scénario, et pour arriver à gérer les groupes en comodal, le formateur partage son temps entre le groupe en présentiel et le groupe distant qui ont la même activité. C’est similaire au fait qu’il doit animer des groupes dans des salles séparées. A des instants définis, et pour remettre la cohésion entre les deux groupes, l’animateur peut demander à un groupe de présenter la correction de son exercice et à l’autre groupe d’amener leurs remarques et commentaires. Il est aussi tout à fait possible de faire travailler par petits groupes en mélangeant étudiants présents et étudiants distants via les outils collaboratifs.
Dans ce contexte et en raison de l’utilisation en direct (live streaming) de flux vidéos, partage écran… à partir et vers l’université, ils faut être vigilant sur les aspects relatifs à la charge du réseau. Dans un cadre de collaboration de ce type, la vidéo n’est pas réellement nécessaire mais plutôt l’usage du chat, de l’audio et surtout du travail collaboratif qui est mis en évidence.
Formation en ligne
Tout l’enseignement se déroule en ligne. Cela peut être imposé par le confinement. Les outils seront les mêmes que ceux utilisés dans le cas du distanciel d’une formation hybride mais il est nécessaire d’être très vigilant au décrochage des étudiants surtout en licence.
3) Scénarios de formation hybride
Dans la formation hybride, les CM sont diffusés en ligne. Cela peut se faire selon deux dispositifs :
- en synchrone : pendant un créneau temporel défini, l’enseignant diffuse son cours en direct (live streaming) et tous les étudiants le suivent à distance.
- en asynchrone : l’enseignant enregistre son cours et le met à disposition des étudiants. C’est une ressource que l’étudiant pourra consulter autant de fois qu’il le souhaite.
Il est fortement recommandé de privilégier l’asynchrone ou d’effectuer le synchrone avec enregistrement pour pallier aux problèmes d’incidents réseau qui perturberaient le direct. Dans le cas d’un direct, il est préférable que le formateur diffuse d’un lieu en dehors de l’université pour ne pas avoir la problématique de la charge réseau induite par le nombre de flux à gérer d’un même lieu.
Il est important qu’avant de commencer le séquencement d’hybridation, tous les groupes aient une séance en présentiel . C’est la séance 0 de présentation et d’établissement du lien pédagogique. Une heure peut suffire pour cette séance 0. L’enseignant explique la feuille de route qui sera mise en œuvre au niveau des activités.
Les TD et les TPs se dérouleront en partie en présentiel car en raison de la distanciation, il sera peut être nécessaire de répartir les étudiants en groupes : un groupe sera en classe tandis que les autres groupes seront en ligne mais les activités en classe et en ligne ne seront pas les mêmes (c’est ce qui le différencie de la formation comodale).
Comme nous ne pouvons pas démultiplier les ressources (salles et RH) en présentiel, nous devons diminuer le temps présentiel par étudiant. En fonction du nombre de groupes générés par la distanciation, l’occupation de l’espace/temps (multiplexage) ne sera pas le même.
La formation hybride suppose comme nous l’avons déjà évoqué un vrai continuum entre la formation en classe et la formation en ligne. Cela suppose une planification globale autour des activités de l’apprenant. L’étudiant doit disposer de ressources en ligne et un travail à effectuer en autonomie ou en groupe projet. Les séances en classe servent à l’approfondissement de certaines parties de cours, à la remédiation et surtout à l’échange et au maintien du lien pédagogique. Comme l’objectif de la formation est l’apprentissage de l’étudiant, nous pouvons parler d’apprentissage hybride.
Avec l’hybridation, d’autres compétences transversales se développent telles que l’autonomie (à ne pas confondre avec isolement), le travail collaboratif, l’organisation et la méthodologie d’apprentissage continu, essentielles pour la Formation Tout au Long de La Vie (FTLV).
Apprentissage hybride à l’UCL « Un dispositif pédagogique hybride permet d’alterner séquences en ligne et en amphithéâtre pour venir bonifier l’expérience d’apprentissage« |
Nous allons prendre deux scénarios pour les TD (le cas des TPs est à traiter à part en raison de la diversité des situations) :
- Répartition en deux groupes : Dans ce cadre il suffit d’alterner dans les séances un groupe sur deux. Durant la même séance, l’enseignant anime un groupe tandis que l’autre groupe prépare un travail qu’il déposera à la fin de la séance sur la plateforme LMS. Ainsi pour une charge de 24h/étudiant, l’étudiant aurait eu 12h en présentiel et 12h en travail à distance. Tandis que l’enseignant a assuré 24h de charge (12h pour chaque groupe).
Formation hybride en enseignement de langues à l’Université de Laval « On est 2 fois moins en classe mais on participe 2 fois plus« |
- Répartition en trois groupes : Si on applique la même règle pour 30h/étudiant alors chaque étudiant aura 10h en présentiel et 24h en travail en ligne. Si on veut réduire l’espacement entre deux slots de présence pour un étudiant, il faudra réduire le slot temporel . Par exemple, au lieu d’avoir un créneau de 2h pour un groupe, il conviendra d’effectuer deux créneaux d’une heure. Voilà les deux scénarios possibles :
4) Synthèse
Les modalités et scénarios présentés ci-dessus doivent être choisis en prenant en compte d’une part la faisabilité technique, les ressources mobilisées et la facilité d’utilisation et d’autre part le degré d’adaptation et d’évolution de son enseignement relatif au dispositif envisagé. L’important est d’inscrire ces différentes modalités dans une trajectoire basée sur l’innovation pédagogique et la transformation digitale pour que les différents investissements et acquis ainsi que les bonnes pratiques puissent être partagés et réinvestis dans le cadre de l’amélioration continue de notre offre de formation.
a) La formation comodale est celle qui implique le moins de changement dans son fonctionnement mais elle suppose la mobilisation de ressources qu’il faut bien estimer en fonction de la charge qui résulterait en terme d’équipements de salles, de ressources humaines à mobiliser et du trafic généré. Le facteur d’échelle est conséquent dans une université telle que l’université Paul Sabatier par rapport à une université ou école de taille moins conséquente. Il faut à ce stade privilégier des dispositifs mobiles et adaptatifs mobilisant le moins de ressources humaines. Ils existent tant en matériel de captation (ex. smartphone / tablet) qu’en infrastructure de diffusion (ex. réseau mobile 4G).
b) La formation en ligne complète est à écarter car elle romprait le lien social physique nécessaire pour la cohésion des étudiants sous le statut de la formation initiale et sur une durée aussi conséquente. Elle est envisageable dans des cas très limités et vis à vis de personnes averties et préparées à ce type de formation.
c) La formation hybride complète est intéressante au niveau pédagogique mais elle demande une réorganisation et une transformation digitale à laquelle tous les formateurs ne sont pas préparés. Ce mode de formation est déjà pratiquée dans certaines universités et certains cursus de formation mais il est impossible de le généraliser à une grande échelle en peu de temps. Cela doit être une option possible à tout formateur qui souhaiterait se lancer même partiellement dans cette modalité mais cela demande un accompagnement basé sur les aspects organisationnels et les retours d’expérience. Le modèle de la classe inversée est le modèle de base aux différents scénarios d’hybridation mélangeant à des degrés divers : « En ligne » et « En classe », « Synchrone » et « Asynchrone »…
d) La formation hybride et comodale réduit la charge résultante du comodal complet en mettant en oeuvre tout ce qui est transmissif (typiquement les CM) sous forme de « lectures » ou de « capsules » (parties résultant de la décomposition des lectures ») enregistrées disponibles en asynchrone et en gardant pour un fonctionnement comodal (présentiel et distanciel) les activités nécessitant une interaction et un échange (typiquement des TD, ED).
En résumé :
- Les modalités a) et d) demandent le moins de transformation possible et sont basées essentiellement sur l’utilisation des outils numériques pour la captation/transmission à distance et/ou la mise à disposition de ressources en ligne via des enregistrements.
- La modalité c) est celle qui demande un investissement pédagogique conduisant à une transformation digitale de son métier et de sa posture, mais qui peut être progressive et modulable. Elle peut être associée à une ingénierie de formation mettant en oeuvre l’approche compétences et la décomposition en Learning Outcomes (LO).
Quelle que soit la modalité mise en oeuvre, elle doit permettre de s’adapter aux différents publics (ESH, SHN, Salariés, internationaux… étudiants d’autres établissements) et à leurs modes et rythmes d’apprentissage.
La mise en oeuvre de ces différentes modalités ne peut réussir sans l’investissement de chacun et l’accompagnement des équipes pédagogiques aussi bien sur les aspects numériques que les aspects méthodologiques et organisationnels. L’ingénierie pédagogique, l’ingénierie de formation et l’ingénierie numérique doivent être toutes les trois prises en compte pour atteindre les objectifs de la transformation.
Les différents dispositifs d’hybridation et de comodal mis en place permettront d’élargir les possibilités pour les étudiants et de rendre notre université sans frontière, plus ouverte et plus accessible.